MIS EN LIGNE LE 19/12/2019 À 12:39 PAR UN COLLECTIF DE SIGNATAIRES DU MONDE SYNDICAL ET ASSOCIATIF*
» Viva for Life entame sa campagne d’appels aux dons pour tenter d’endiguer la pauvreté infantile en Wallonie et à Bruxelles. L’œuvre est utile et part d’un très bon sentiment. Seulement, elle ne doit pas faire oublier que les mécanismes structurels de la pauvreté.
Viva for Life, son cube, ses appels aux dons, l’émotion, et les chèques de certain·e·s de nos ministres sont un grand moment de générosité et permettent de rappeler à chacun·e l’intolérable réalité de la pauvreté des familles et des services avec les conséquences qu’en subissent les enfants dans des proportions dramatiques en Wallonie et à Bruxelles. Même avec l’apport d’artistes qui touchent au cœur des gens, rien n’y fait, la pauvreté reste croissante. Le don ne suffit pas, le don n’a jamais suffi, le don ne peut suffire…
Un refus de responsabilité collective
Depuis Galbraith (1), on connaît tous les artifices de « l’art d’ignorer les pauvres » utilisés au cours des siècles pour se prémunir contre toute mauvaise conscience envers les pauvres. Ils fonctionnent encore à merveille. D’abord, refuser la responsabilité collective qui est à l’origine de la pauvreté. C’est subtilement que les appels à la charité individuelle viennent confirmer par l’absurde le refus de la responsabilité collective et politique dans la lutte contre la pauvreté.
Ensuite, il s’agit d’inciter à considérer que les aides publiques rendent un mauvais service aux pauvres, les maintiennent dans leur situation et dans l’assistance ! Le grand public ne peut que s’émouvoir de constater combien tout le monde se soucie du sort des pauvres enfants. Il peut, lui, passer son chemin. D’autres s’en occupent, sans que ça ne lui coûte… Une fois le moment de générosité terminé, place à l’émotion suivante, sans réforme structurelle qui passerait, notamment, par le relèvement des aides publiques.
Enfin, pour ignorer les pauvres, il faut les renvoyer à leur libre choix. Ici, ça devient plus compliqué, l’édifice anti-pauvres est ébranlé. Un enfant a-t-il librement choisi sa pauvreté ? Aider les enfants sans aider les parents, est-ce possible, souhaitable ? Non bien sûr. Mais c’est plus difficile à assumer politiquement. Alors on ment. On dit s’en préoccuper, mais les faits l’attestent, on n’en fait rien.
Pour un partage plus juste des richesses
« On » ? On, ce sont les responsables politiques qui disent trop souvent qu’il·elle·s ne parviennent pas à lutter contre la pauvreté, et particulièrement celle des enfants, parce que l’essentiel des politiques structurelles dépendent du niveau fédéral. Nous-mêmes, syndicats et associations, ne cessons d’appeler à des politiques structurelles de lutte contre la pauvreté, qui passent essentiellement par des revenus du travail, de Sécurité sociale et d’aide sociale mieux financés dans un cadre de partage des richesses plus juste.
Place aux actes !
Mais la Belgique, ce sont aussi des gouvernements régionaux et communautaires ! Quid en matière d’enseignement, de petite enfance, d’aide à la jeunesse ? Quid en matière de logement, d’accès à la culture, au sport, au transport en commun, à l’énergie ? Si les déclarations de politiques régionales tant en Wallonie qu’à Bruxelles sont prometteuses, il faudra cette fois qu’elles soient suivies d’actes, principalement pour réduire les inégalités et lutter contre la pauvreté des familles. Nous sommes conscients de la situation budgétaire des entités fédérées mais sans moyens dédicacés à ces enjeux à chaque niveau de pouvoir, les textes politiques ne seront que des vœux pieux.
La Déclaration de politique communautaire, grande promesse pour la législature de la Fédération Wallonie-Bruxelles, s’engage même à disposer d’un plan quinquennal de lutte contre la pauvreté en collaboration avec les acteur·rice·s du secteur, ciblant en particulier la pauvreté infantile. Avec la « Plateforme de lutte contre la pauvreté des enfants et de leurs familles », qui réunit 40 organisations syndicales et associatives, nous estimons que ce plan doit être concerté avec les populations concernées et les associations qui les représentent, ainsi que les opérateur·rice·s de terrain.
La pauvreté résulte d’un choix politique, ou de l’absence de choix. Pour que Viva for Life ne soit pas qu’un artifice subtil dans l’art d’ignorer les pauvres, il faut mettre la priorité politique dans la lutte contre la pauvreté, en luttant contre les inégalités, contre un système économique qui les produit, et ainsi améliorer le sort de trop de nombreuses familles et de leurs enfants. Il y a urgence ! »
(1) John Kenneth Galbraith, 1908 – 2006 (à 97 ans), un économiste américano-canadien.
*Signataires : Anne-Marie Andrusyszyn, CEPAG, mouvement d’éducation populaire ; Marc Becker, CSC francophone ; Jean Blairon, RTA ASBL ; Paul Blanjean, président des Equipes Populaires ; Thierry Bodson, FGTB wallonne ; Mario Bucci, Centre d’information et d’éducation populaire ; Les Centres Régionaux pour l’Intégration ; Nicolas De Kuyssche, Le Forum – Bruxelles contre les inégalités ; Benjamin Delfosse, Latitude Jeunes ; Sarah de Liamchine et Denis Dargent, Présence et action culturelles ; André Denayer, ATD Quart Monde ; Ariane Estenne, Mouvement ouvrier chrétien ; Jean Hermesse, Mutualité chrétienne ; Aurore Kesch, Vie Féminine ; Jean-Pascal Labille, Solidaris ; Christine Mahy, Réseau wallon de lutte contre la pauvreté ; Yves Martens, Collectif Solidarité contre l’exclusion ; Fred Mawet, ChanGements pour l’égalité ; Ouiam Messaoudi, Association socialiste de la personne handicapée ; Claudio Pescarollo, Réseau des BébéBus ; Noémie Van Erps, Femmes prévoyantes socialistes.