MARIAM

Je suis Mariam. J’ai quitté mon pays après la guerre. Le président au pouvoir était un bété (nom d’un peuple vivant en Côte d’Ivoir) mais celui qui allait prendre sa place ne l’était pas. Des personnes du parti adverse menaient des enquêtes et ont identifié mon père comme étant un bété. Des assaillants sont venus chez nous, ils ont tué mon père et ma maman a été gravement blessée. J’avais 14 ans et j’étais avec mon petit frère.

Mon oncle m’a conseillée de quitter le pays car le danger était toujours présent. Il a pris l’argent que mon père mettait de côté et a trouvé un passeur. Vu son jeune âge, mon frère est resté avec ma mère. Le passeur vivait dans le pays voisin, je suis resté chez lui avec sa femme et ses enfants le temps qu’il prépare mon voyage.

Quelques temps après, il m’a dit qu’il était temps pour moi de les quitter. Il m’a emmenée à l’aéroport où quelqu’un nous attendait. Ensuite, j’ai pris l’avion avec cette nouvelle personne. Il m’a expliqué que le vol était à destination de la Belgique. Puis, il m’a dit qu’arrivés là-bas, il ne pourrait plus rien pour moi. Il m’a présenté le grand bâtiment de l’office des étrangers et m’a dit : « Tu dois aller là, ils vont te demander pourquoi tu es ici et prendre soin de toi » et il est parti. Moi j’étais perdue, je stressais, j’avais peur… Une dame est venue me chercher, m’a dit de ne pas avoir peur et m’a expliqué ce qui allait se passer. Ils ont pris mes empreintes et fait des radios pour voir si j’avais certaines pathologies. Ensuite, la personne m’a remis des documents et m’a expliqué qu’une voiture allait venir me chercher pour me conduire dans un centre Fedasil à Bruxelles.

On m’avait dit que je resterais maximum 3 mois puis que je serais transférée dans un centre où je resterais pendant toute la durée de ma procédure. Au début, j’étais renfermée, j’avais peur de tout le monde puis j’ai fait des connaissances. Je ne dormais pas car je faisais beaucoup de cauchemars. Il y avait un éducateur, il était jeune donc il comprenait ce que je ressentais. Cela m’a aidée.

Après les 3 mois, je suis partie pour un centre à Eupen où je suis restée de 2012 à 2015. La procédure était longue et horrible, j’avais des interviews afin de savoir si on devait me donner le positif ou le négatif. J’allais également à l’école pendant cette période et c’était stressant. Lors de la première interview, j’ai reçu un négatif. Après avoir fait un recours, j’ai finalement reçu le positif.

Une organisation est venue au centre pour nous demander d’écrire notre récit. Je m’étais proposée. Je faisais aussi des activités qui me permettaient d’oublier cette nouvelle vie sans mes parents. Je ne mangeais pas toujours car j’ai dû m’adapter à la cuisine du pays. Encore une fois, j’ai pu compter sur l’aide d’un éducateur. Voir des familles ensemble était difficile à vivre et j’ai dû consulter un psychologue. Au bout de quelques mois, j’allais mieux grâce aux amis rencontrés à l’école. J’ai dû accepter ma situation car je ne pouvais rien y changer. J’étais une enfant de 14 ans et j’ai dû réfléchir comme une adulte… cela m’a forgée. Au début, quand je suis arrivée à Eupen, j’étais sur la défensive mais j’ai compris que c’était inutile car les gens qui m’entouraient ici n’étaient pas responsable de ce qui m’était arrivé. Certaines personnes ont commencé à me demander de parler de mon parcours. Au début, ce n’était pas facile, je ne voulais pas qu’on me regarde avec pitié car je connaissais ma force, mais lorsque j’ai commencé à parler cela m’a fait du bien. Mais les interviews à la CGRA restaient difficiles car ils voulaient que je parle d’événements que j’avais volontairement enfouis au fond de moi pour tenter d’oublier.


En collaboration avec SAM asbl et l’asbl AJS Tal-Lafi.

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.